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ARTIFICE : une série photographique imaginée par Lionne

Dernière mise à jour : 18 juil. 2023


Lundi dernier, alors que je me baladais dans les rues de Châtelet à la recherche de lecteurs, j'ai rencontré Lionne, une jeune photographe de 25 ans remplie de talent. Bon, je dois reconnaître qu'à ce moment-là, j'ignorais qu'elle était douée. Pourtant, j'ai senti de belles énergies émaner de la conversation furtive que nous avons eue. Elle était assez pressée, mais nous avons quand même pris le temps d'échanger au sujet de nos passions respectives, donc lorsqu'elle m'a fait savoir qu'elle faisait de la photographie, j'ai eu envie d'en savoir plus. D'une part parce que je suis une grande curieuse et je pense qu'il est important que nous nous soutenions mutuellement les uns les autres lorsque cela nous est possible. Mais également parce que je trouvais que Lionne dégageait quelque chose de singulier : de doux et réservé, mais aussi de puissant et affirmé, donc je voulais connaitre les mystères qui se cachaient derrière son objectif. Et cela tombait bien car elle me conviait justement à l'exposition à laquelle elle participait ce soir, vendredi 9 juin.


Je me suis rendue à cette exposition qui prenait place au DOC (dans le 19ème arrondissement de Paris) en compagnie de ma meilleure amie Nolwenn et lorsque nous sommes arrivés dans la pièce dédiée aux œuvres des différents artistes, j'ai tout de suite été attirée par plusieurs photographies sans réellement savoir ce que je regardais. Merci @_madmarx d'avoir immortalisé cet instant !


© Léo Schilling

Les premières étaient colorées, alors que d'autres avaient artistiquement été mises en noir et blanc, comme pour transmettre une émotion différente, libre à l'interprétation de chacun, libre à la sensibilité de chacun, au vécu de chacun et à tout ce qui fait que parmi les Hommes, nous avons chacun cette manière bien unique de concevoir et de recevoir l'Art. Et c'est alors que ma meilleure amie m'a fait remarquer qu'il s'agissait en fait des clichés pris par Lionne. D'ailleurs, une jolie feuille A4 colorée dans des nuances allant du bleu foncé au rose indiquait justement qu'il s'agissait de son travail. Mais je n'ai pas voulu la lire de suite, j'avais encore besoin de capter les émotions que me transmettaient ces huit clichés, j'avais besoin de plus de temps pour admirer la façon dont une seule image pouvait véhiculer un million de choses. Je ne voulais pas que mon interprétation soit influencée par quel que soit l'écrit car je cherchais simplement à contempler les images qui s'offraient à mes yeux, en saisir la portée et laisser ma sensibilité m'emporter où elle le désirait. Donc forcément, après ces quelques minutes passées à discuter de ces clichés avec ma bestie, je souhaitais écouter Lionne me parler de son travail afin de connaître son histoire et celle de ces œuvres.


Pourquoi ARTIFICE ?


Le titre « Artifice » vient d’un jeu de mot sur la consonnance entre « artifice » et « art factice », imaginé par Lionne pour illustrer le lien qui existe entre le maquillage et l'artifice. Selon elle, « l'artifice est l'art factice du maquillage. Et l'art factice est l'artifice du maquillage. L'un et l'autre reviennent au même ». Quoi qu'il advienne, se maquiller, qu'importe la raison pour laquelle on décide de le faire consiste à recouvrir son visage d'un artifice. Donc lorsque le maquillage est excellement bien exécuté, il ne s'agit plus seulement d'artifice mais bien d'art, seulement la beauté de ce qu'on voit n'est pas toujours le reflet de ce qu'il renferme, et c'est en cela que l'art devient factice, il cache et dissimule.


« La série de huit photographies intitulée « Artifice » pose la question de la mise en scène de soi au travers du maquillage. Du naturel à l'artificiel, du noir et blanc à la couleur, comment le médium photographique se fait levier d'une intimité révélée, au même titre que le maquillage ?

La question est ouverte et sujette à débat. De la parure de guerrière au fard à paupières, quel impact cet artifice a-t-il sur nous ? »


© Lionne

Ce cliché est la tête d'affiche de l'exposition imaginée par Lionne et vous allez vite comprendre pourquoi elle l'a choisi pour illustrer la notion d'Artifice. La première chose qui attire le regard et qui pousse à la réflexion est le contraste entre la partie noir et blanc et la partie en couleur de la photo. Je me suis immédiatement demandée quel était le message derrière ce choix d'appliquer deux filtres différents sur la même photo d'autant plus qu'en observant d'un peu plus près, on voit un miroir sur lequel est inscrit « artifice » au rouge à lèvres en lettre capitale, tenir entre les lèvres du modèle et ça semble vraiment étrange. Pourquoi une femme déciderait-elle subitement d'apporter un miroir à ses lèvres ? Pourquoi une telle césure entre l'image qu'on voit en noir et blanc et son reflet en couleur dans le miroir ?

Lionne m'a expliqué que sur la photo originelle, la modèle tenait le miroir dans sa main, mais elle a décidé de la faire disparaitre sur Photoshop car « sans la main, ça dénonce aussi quelque chose de muselé dans le maquillage » alors qu'il est censé être un moyen d'expression, un artifice duquel on s'entoure pour affirmer une part de son identité, le miroir nous dicte les limites de ce maquillage, quelque part, il nous freine. Elle a également ajouté que « cela donnait plus de puissance d'interprétation » car finalement, le spectateur est libre de voir ce qu'il veut, de comprendre et d'entendre la notion d'Artifice à l'aune de sa propre sensibilité. « Si j'avais laissé la main, ça aurait peut-être été moins percutant ». Sur ce cliché, la modèle embrasse son reflet dans le miroir, mais finalement, c'est un reflet qui n'est pas le même que celui qu'on voit, le regard est complètement différent tout comme ce qu'il dégage et cela permet d'appuyer plus fermement l'idée d'artifice. « La main qui tient le pinceau à côté de son visage illustre la transition vers les photos où elle porte du maquillage. »



Quelle est ta photo préférée ?


© Lionne

Au départ, je n'ai pas vraiment fait attention à cette photo, je l'ai regardé sans la voir tout en me demandant ce qu'elle faisait là, elle semblait tellement différente des autres. Puis Lionne m'a confié qu'elle avait mis un voile sur la tête du modèle en lui demandant d'incliner sa tête sur le côté et elle s'est mise à shooter. Puis lorsqu'elle a visionné les images, elle a été touché par ce cliché alors même qu'elle n'avait pas conscience sur le moment d'avoir capturé un instant si particulier. « Elle est très féminine, très sensuelle et très douce en même temps, elle me fait penser à une madone […] ».

Cette photo provoque quelque chose de fort car d'un côté, « son visage est dissimulé, donc on n'a pas accès à la personne qui se trouve derrière le voile, ça pourrait être un peu tout le monde ». Et d'un autre côté, « on devine un peu son visage » car plus on observe l'image, plus il est facile de distinguer les traits du modèle (ses yeux, son nez, sa bouche, son oreille gauche etc). « Il y a une forme de pudeur, elle a un sourire juste esquissé et dans son mouvement de tête, il y a quelque chose de très sensuel, mais en même temps de très pudique puisque le voile la cache. »



Un cliché plus personnel de l'artiste et son modèle

© Lionne

Vous savez quoi, le modèle qui figure sur chacun des clichés n'est autre que sa meilleure amie franco-sénégalaise Maïmouna, je le précise parce que je trouve que cela coïncidait parfaitement avec le sentiment de proximité que j'avais ressenti en observant les photos. Comme si d'une certaine façon, j'entrais dans l'intimité de ces meilleures amies juste le temps de huit instants capturés par l'objectif. Et je dois vous avouer que cette image m'a tapé dans l'œil parce qu'elle révèle tellement de choses. On y voit de la douceur avec la main de Lionne qui donne à Maï le mouvement adéquat à travers l'œil de son appareil. On y lit également la confiance et l'apaisement sur le visage de Maï qui se laisse tout simplement guidée les yeux fermées par sa photographe et meilleure amie. Et plus généralement, ce cliché me parle parce qu'on y voit un total abandon et c'est exactement ce qui s'est passé pour le réaliser. Lionne avait une idée en tête et tentait de la communiquer à Maï pour qu'elle l'exécute, mais le rendu ne lui plaisait pas. Alors elle a gardé son appareil photo à l'œil en lui tenant le menton et lorsqu'elle a vu dans son objectif sa main sur le visage de Maï et cette expression d'abandon qui se lisait sur son facies, elle a saisi l'instant avec sa caméra. « Elle me laisse complètement la guider sur cette photo […] ça rappelle aussi l'artifice et la mise en scène qu'il y a dans un shooting, la façon que tu as de diriger ton modèle ». Et c'est fou, parce que malgré cet aspect « artificiel » de la mise en scène du travail photographique, la sincérité du moment et de la relation qui unit Lionne et sa meilleure amie Maïmouna a été merveilleusement capturée et donne presque envie de se demander si la photo aurait été aussi réussie s'il n'existait pas entre elles ce rapport amical si honnête et puissant ?

D'ailleurs, dans la soirée, j'ai eu l'occasion de discuter avec Maïmouna et elle a également employer le terme d'abandon pour décrire la façon dont elle avait totalement lâcher prise et dont elle avait décidé de lui faire confiance les yeux fermés, et c'est le cas d'le dire !



Pourquoi la photographie ?


Lionne n'a jamais suivi de formation pour apprendre à faire de la photo, son père lui a transmis l'amour du premier métier qu'il a exercé. « Je fais de la photo depuis plus de 10 ans, c'est mon père qui m'a tout appris. Il a exercé mon œil à essayer de capter certaines choses, certains moments, certaines expressions des gens. » […] J'écris aussi, mais la photographie me permet d'avoir plus de distance vis à vis de ce que je révèle de moi. L'écriture met beaucoup plus à nue, on s'expose plus. » Donc pour cette artiste, la photographie est réellement une « mise en scène de soi représentée par quelqu'un d'autre. »


Voici le lien de son compte Instagram @plmdh_photo pour vous permettre de découvrir plus amplement son art.

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